- ABHINAVAGUPTA
- ABHINAVAGUPTAOriginaire du Cachemire, Abhinavagupta est le penseur le plus éminent de la religion shivaïte, dans l’école trika. Ses ouvrages de mystique, de philosophie et d’esthétique, célèbres en milieu indien, constituent la synthèse du shivaïsme trika.Abhinavagupta se réclame, comme tous les shivaïtes, des gama ou tantra , qui sont les textes orthodoxes du shivaïsme dans l’Inde entière (et en particulier dans le Sud). Il se situe dans la lignée d’enseignement des grands maîtres du shivaïsme trika : Vasugupta, à qui furent «révélés», aux environs du VIIIe siècle, les ごivas tra , créateur de la «thèse de l’autonomie» du Seigneur (svatantryav da ); Som nanda, qui insiste sur la «reconnaissance» (pratyabhijn ) de l’universelle conscience dans le monde et en nous-mêmes; Utpaladeva, à la fois mystique et poète. Abhinavagupta forma lui-même plusieurs élèves, en particulier K ルemar ja, qui commenta plusieurs ouvrages de son maître.Parmi les ouvrages d’Abhinavagupta, certains sont plus proprement philosophiques, en particulier la Vimar ごin 稜 , qui est un commentaire des «versets sur la reconnaissance du Seigneur» (I ごvarapratyabhijn k rik ) d’Utpaladeva et une interprétation, dans une perspective shivaïte, de la Bhagavadg 稜t . D’autres commentent et développent les données de la révélation. Le volumineux Tantr loka , («l’examen des tantra »), dont la matière est résumée dans le Tantras ra (l’«essence des tantra »), appartient à cette dernière catégorie. C’est une somme des conceptions tant philosophiques que religieuses et sotériologiques du shivaïsme trika , où l’auteur fait montre à la fois d’une piété profonde, d’une pensée pénétrante et aussi d’une indépendance d’esprit qui le porte à dépasser sans cesse les conceptions étroites, et à élargir constamment le point de vue de ses prédécesseurs.Le shivaïsme d’Abhinavagupta et de ses devanciers est aussi moniste que celui de えankar c rya; mais il tient à attribuer à l’absolu une complète autonomie (sv tantrya ) ou encore, sous un autre aspect, une volonté susceptible de s’exprimer sous forme d’activité. L’absolu est, dans cette perspective, pure conscience (caitanya ), mais cette conscience comporte deux aspects d’ailleurs indissociables: prak ごa, qui est pure lumière, et vimar ごa , qui est la prise de conscience, donc un acte. えiva, dans sa forme la plus haute, est en quelque sorte une lumière qui s’éclaire elle-même. Le shivaïsme trika analyse très finement comment l’ébranlement initial (sa ュrambha ), souverainement libre, de la prise de conscience de Dieu se propage, en développant successivement des énergies ( ごakti ), puis, à travers de multiples catégories (tattva ) dûment inventoriées, les différentes émanations qui aboutissent à la création matérielle, et au cours de laquelle la pure conscience se dégrade; c’est l’enseignement du spanda (spanda ご stra ), de la vibration. Les catégories (tattva ) inférieures sont d’ailleurs empruntées au s nkhya comme dans le ごaivasiddhanta.Sur le plan sotériologique, Abhinavagupta insiste sur l’importance de la grâce de えiva, qui est えiva lui-même, puisque Dieu n’est pas distinct de la connaissance de Dieu. Il distingue plusieurs voies d’accès au salut, qui n’est pas à proprement parler, dit-il, une libération, mais simplement la «reconnaissance» de notre identité au えiva suprême. Les unes font appel aux pratiques religieuses, à la méditation et au yoga, mais quelques êtres privilégiés peuvent être brusquement ravis par l’appel de la grâce et confrontés de manière immédiate à leur suprême réalité: c’est l’état dit bhairava. Le voile de l’illusion, qui trouble la limpidité de la conscience, peut d’ailleurs se déchirer en certaines circonstances, par exemple à l’occasion d’un choc ou lors du ravissement amoureux ou esthétique.Car, bien que les œuvres esthétiques d’Abhinavagupta soient légèrement en marge de sa production philosophique, ses préoccupations essentielles s’y traduisent aussi.Il défend la théorie du dhvani : la «saveur» (rasa ) émise par une œuvre est suggérée beaucoup plus qu’elle n’est exprimée. Ce pouvoir de suggestion ébranle les traces laissées par les actes des vies antérieures, suscite, chez celui dont l’intuition est suffisante, un état d’absorption contemplative (vi ごr nti ) où se révèle l’état normal de la conscience et qui se caractérise par «une vibration intérieure de joie surnaturelle». Comme l’écrit Bha anayaka (900 env.), auquel Abhinavagupta se réfère souvent: «Le spectateur absorbé dans la dégustation du rasa jouit, tourné vers l’intérieur de lui-même. Plongé dans son propre être, il oublie tout. En lui se manifeste un flux de ce plaisir qui est inné et d’où les yogin tirent leur satisfaction.»
Encyclopédie Universelle. 2012.